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 Pour vivre heureux, vivons (sam)

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Ester Jankovic
Ester Jankovic
kill of the night


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MessageSujet: Pour vivre heureux, vivons (sam)   Pour vivre heureux, vivons (sam) EmptyJeu 3 Déc - 0:23

« Casse-toi, Sam ». Le ton est froid et cassant et le regard qui accompagne la phrase, assassin. Elle n'est pas d'humeur pour la gentillesse dégoulinante de Sam, sa compassion, ses bons sentiments. A dire vrai, à cet instant, tout en Samira l’écœure. Ce regard où se dispute quelque chose entre l'inquiétude et la tristesse, les mouvements vains qu'elle fait en sa direction comme pour la rassurer, la calmer ou ce qu'elle en sait. Et cette voix, trop douce, débordante de toutes ces choses dont Ester ne veut pas. Elle n'a pas envie de cette douceur, cette bonté, cette générosité. Elle pourrait abattre sa paume sur le visage de Sam tant l'image la rend folle. Ester a planté son regard furibond dans celui de Sam, et elle la défie d'oser s'approcher un peu plus. Un rien la retient de la frapper, à dire vrai, un vague souvenir de ce qu'elle éprouve pour la jeune femme. C'est une colère d'une rare intensité qui la fait vibrer à cet instant et qui a complètement occulté l'amour ou la tendresse. Elle ne veut plus rien voir d'elle ni l'entendre. Le dégoût est aussi injuste qu'inexplicable. Ester ne rend jamais vraiment compte ses humeurs qui oscillent. Elle glisse simplement sans le réaliser dans la colère et la violence, les mêmes qui animent ses nuits et qui nourrissent le monstre qui grignote les miettes de son esprit.

Ça couve depuis des jours, depuis sa fuite au beau milieu de la nuit après un énième cauchemar. Elle est revenue, plus amère que jamais et plus tourmentée, incapable de se calmer l'esprit. A peine rentrée, elle a jeté hors de la cuisine les quelques nippers installés, pour cuisiner et tenter vainement de s'occuper l'esprit. Mais rien n'a réussi à chasser cette sourde angoisse qui monte en elle, depuis le bas du ventre jusque dans la poitrine et qui s'y installe, et qui gonfle en même temps que la colère et le chagrin. Ca l'empêche de respirer correctement, il lui semble qu'elle suffoque et que chaque inspiration est un combat. Elle pourrait aussi choisir de se libérer par les larmes, mais elle estime – à tort- que ce serait donner raison à ce monstre installé en elle. Alors la serbe préfère s'offrir toute entière à la colère et s'oppose à tout le monde. Bien sûr, dans quelques jours, elle le regrettera, et ira quémander péniblement le pardon, et elle s'en voudra terriblement et sincèrement. C'est qu'elle n'a aucune arme contre cette chose qui la tue petit à petit chaque jour. C'est l'affrontement qu'elle cherche, et une victoire qu'elle veut écrasante, et c'est Sam qui en fait les frais. En réalité, c'est contre la peur qu'Ester se bat, sans les bonnes armes. Ca pulse dans sa tête, les pensées s'entrechoquent les unes contres les autres, toutes plus terribles, toutes plus horribles. Et ça la rend folle, Ester, et ça la panique. Ca lui donne envie de cogner ou de gueuler, ça lui donne le goût du sang et c'est probablement ce qui la terrifie le plus.

Ester sait qu'elle aime Samira. Impossible d'oublier la douceur de sa peau, son odeur, sa présence rassurante. Sans Samira, Ester s'effondrerait, et elle le sait. Mais la raison n'a pas de place dans les méandres de ses pensées. Elle pourrait s'éviter un tel chaos, elle pourrait ne pas s'acharner à tout détruire pour tout rebâtir à chaque fois, péniblement. Il suffirait, par exemple, qu'elle accepte le traitement que lui prescrit le psychiatre, qu'elle prenne correctement les comprimés et pas uniquement quand elle veut se défoncer. Mais ça exige d'elle d'admettre trop de choses qu'elle est même incapable de nommer ou d'exprimer.

Alors elle prend Samira pour cible, et elle y passe toute sa frustration. C'est profondément injuste, c'est gratuit. Ses remords n'en seront que plus grands et plus dévastateurs. Mais c'est si facile… « BARRE TOI SAM BORDEL. LAISSE MOI J'VEUX PAS TE VOIR ! TU COMPRENDS PAS ? », qu'elle finit par gueuler franchement. Le verre se brise contre le mur, balancé en direction de Samira, mais volontairement à une bonne distance. Ester déraisonne totalement ces derniers jours et la bière qu'elle ingurgite en plus des médicaments qu'elle vient d'avaler en trop grand nombre a brisé ses derniers remparts de lucidité. Elle a abandonné lâchement.
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Samira Foxx
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kill of the night


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MessageSujet: Re: Pour vivre heureux, vivons (sam)   Pour vivre heureux, vivons (sam) EmptyVen 25 Déc - 16:13

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Ester Jankovic
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kill of the night


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MessageSujet: Re: Pour vivre heureux, vivons (sam)   Pour vivre heureux, vivons (sam) EmptyDim 27 Déc - 10:51

Elle n’arrive pas à départager ce qui exacerbe à ce point sa rage : l’insolence de Samira, ou son attitude. Mais ça lui donne une furieuse envie de la frapper, jusqu’à ce qu’elle demande grâce, jusqu’à ce qu’elle se taise. Et un rien retient la serbe de se jeter sur la femme qui lui fait face. Samira est à cet instant précis une étrangère qui la révulse, elle n’est pas son amoureuse. Ester n’est plus amoureuse. Et elle l’emmerde avec ses questions. Ester a braqué ses yeux meurtriers dans ceux de Sam et ils lui promettent tout ce qui ne se dit jamais dans un conflit. La violence, la douleur, la peine l’absence de regret et cette satisfaction à moitié comblée. Elle lâche un sifflement pour la prévenir qu’elle dépasse les bornes, à la questionner comme ça, qu’elle érode sa patience mise à mal et que bientôt, elle ne répondra plus de rien. Samira peut garder sa gentillesse et sa compréhension, Ester n’en veut pas ! Elle veut connaître la sensations des phalanges qui meurtrissent la chair et cette puissance libératrice qui monte l’échine à chaque coup porté à l’ennemi. Mais, elle ne peut pas taper Samira, n’est-ce pas ? « On peut se battre. Je sais me défendre. » La grimace qui s’étale sur le visage de la serbe n’a rien d’un sourire. Ce n’est pas un rictus moqueur ni ironique. C’est une promesse. Elle la voit, combler la distance de quelques pas, et elle l’entend jouer les courageuses. « Tu veux te battre, Sam ? Vraiment ? » qu’elle fait d’un ton sourd. A son tour, elle avance de quelques pas, et contourne la table pour se poster à rien de Samira. Elle lui fait face, presque collée à elle. Dans d’autres circonstances, elle attraperait sa nuque pour coller ses lèvres aux siennes, et surement que ses mains iraient se mêler aux siennes ou alors se perdre sur ses hanches. Cette fois, ses mains rencontrent les épaules et la bousculent sans ménagement. « T’es sûre de toi ? Tu sais de défendre ? J’ai pas peur de toi, moi, Samira. Tu veux prouver quoi ? Qu’t’es une grande fille ? » Ester balance une moue révulsée à Samira. Elle ne prend même pas la peine de cacher le mépris qu’elle éprouve pour son amante à cet instant. Mais des genoux qui tremblent, un regard un peu fuyant et une voix chevrotante, ça ne ment pas. Samira est littéralement morte de peur et Ester s’enivre du sentiment toxique de puissance qui se diffuse en elle.
« T’es ridicule, pauv’ meuf. Regarde-toi, tu te pisses dessus devant moi. Arrête de faire la fière, retourne dans ta chambre et fous moi une putain de paix. Je veux pas te voir. Je veux plus te voir. Qu’est-ce que tu comprends pas dans ces mots là ? T’es à c’point demeurée en plus du reste ? » elle éclate d’un rire sans joie pour accompagner sa diatribe.  « Allez, dégage, maintenant. Laisse-moi seule. J’te donne dix secondes. Et si t’es encore là dans dix secondes, j’te promets que j’t’éclate. » Et elle se détourne, comme si Samira n’avait, à cet instant, plus aucune importance. D’ailleurs, elle n’en aucune dans cette réalité. Samira ne compte plus que pour l’excédée, lui semble-t-il. Mais, elle vacille un peu quand la douleur lui frappe le crane et la force à fermer les yeux un bref instant. Et ça la rend plus en colère encore, de ne pas parvenir à calmer cette peine vive et diffuse à la fois, qui l’aveugle presque autant que sa colère. Ester tourne le visage pour regarder par-dessus son épaule, et constate avec plaisir que Samira est encore là. « Ca fait plus de dix secondes » elle fait d’un ton froid. Samira peut commencer à réellement s’inquiéter. Toute à sa douleur et sa rage, la serbe ne répond plus de rien. Elle pourrait tuer, juste pour le plaisir, pour se sentir vivante. Attraper cette gorge gracile, et serrer, serrer et sentir sous ses doigts le souffle qui s’épuise et le cœur qui s’affole. « Barre-toi, Samira », elle gronde comme un dernier avertissement.
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Samira Foxx
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MessageSujet: Re: Pour vivre heureux, vivons (sam)   Pour vivre heureux, vivons (sam) EmptyMer 30 Déc - 14:41

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Ester Jankovic
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MessageSujet: Re: Pour vivre heureux, vivons (sam)   Pour vivre heureux, vivons (sam) EmptyDim 14 Fév - 20:34

La victoire est acquise avant même de livrer une bataille, Samira est vaincue et bat en retraite. La serbe l’observe se débattre avec sa crainte et ses doutes. C’est si facile comme triomphe que ça ne lui apporte aucun réconfort : pire ça, exacerbe sa rage et sa colère, ça nourrit ce monstre incroyable de folie qui lui grignote l’esprit petit à petit. Si un instant auparavant, Ester (ou une partie d’elle bien plus sombre) rêvait d’abattre un poing puis un autre sur le visage de Samira, cette envie est maintenant étouffée : aucun intérêt de l’écraser sans aucune résistance. Non, le remède, elle le trouverait sûrement dans une de ses escapades avec Saul, et elle prendrait un plaisir d’une rare intensité de sentir ses phalanges s’abattre et meurtrir la peau de quelqu’un avec plus de répondant que Sam. En elle, pourtant, la tempête fait toujours rage. Ses entrailles se compressent et dans sa gorge remontent des relents amers de bile. La brûlure l’agace, et une nouvelle lampée de bière n’y change absolument rien. Sa colère (sa peur, plutôt) est telle qu’elle en a envie de gerber, de pleurer, de frapper, de hurler ; elle a envie de laisser le moindre de ses sentiments déborder pourvu, putain de merde, pourvu que ça passe. La vérité c’est qu’Ester ne se supporte pas non plus quand elle est ainsi, elle se déteste même. Elle déteste avoir une vague conscience, lointaine, qu’elle fait souffrir Samira, parce qu’elle sait qu’elle le peut, que c’est facile, qu’elle n’offrira pas de résistance ; elle déteste savoir anticiper le sentiment de culpabilité qui viendra lui ronger l’esprit quand elle sera calmée et revenu à des états intérieurs plus sereins. Et plus que tout, la serbe déteste n’avoir aucun remède à ces humeurs qui vont et qui viennent à leur grés pour mieux la détruire à chaque fois. « Je suis désolée, Ester, je-je...  Je...C'était stupide. Je veux pas me battre avec toi. » Les pupilles d’Ester rencontrent celles larmoyantes et perdues de Samira. Ca ne provoque rien, sur l’instant. Ni compassion, ni de colère. Ester est loin d’être calmée, mais au moins, admet-elle que Samira n’est pas le meilleur exutoire. « Moi non plus. » Le ton est aussi polaire que son regard est clinique. « Tu m'as pas dit : pourquoi tu veux plus me voir ? Pourquoi tu veux que je m'en aille ? » La mâchoire se serre en même temps qu’un sursaut de colère soulève ses tripes. « Parce que je veux pas te frapper. » Et comme un ouragan, Ester quitte la cuisine sans plus accorder un regard à Samira. Elle fuit à nouveau, claque la porte, et il ne faut que quelques secondes pour distinguer le bruit puissant du moteur de sa moto qui démarre et qui fout le camp à toute allure. Pas un instant, Ester ne se dit qu’elle pourrait perdre le contrôle. Qu’elle a trop bu. Pris trop de cachets. Et que c’est dangereux.

La vitesse lui redonne un sentiment de vie, alors que l’adrénaline monte un peu plus en elle à chaque vitesse qu’elle passe et chaque virage serré qu’elle négocie. Ca a l’avantage de calmer ses humeurs et de laisser s’échapper ses pensées sombres. La nuit est tombée depuis bien longtemps quand enfin elle passe à nouveau le pas de la porte. Elle ignore les deux Nippers qui surveillent le jardin, celui posté devant la porte sur la terrasse. L’intérieur est calme, plongé dans le noir, sauf la cuisine, qui, comme d’accoutumée, accueille toute la vie qu’est capable de produire cette maison. Un rapide coup d’œil lui apprend que ni Saul ni Samira n’y sont. Alors elle monte, pressée et s’arrête devant la porte de la chambre de Samira. Dans sa poitrine, son cœur bat la chamade et cogne douloureusement, elle a le souffle haché, et les pensées fébriles. Elle tremble même. Un odieux mélange de médicaments, d’alcool, de fatigue et de sentiments tous plus contraires les uns que les autres. C’est toujours la même chose, de toute façon, et chaque fois qu’elle s’emporte, elle revient misérablement quémander l’absolution auprès de celle qu’elle aime. Parce que, la seule certitude qu’elle a, malgré tout, c’est qu’elle ne peut pas faire sans Sam. Elle a besoin d’elle, à ses côtés, pour la tirer vers le haut, vers la lumière, parce qu’elle l’empêche de sombrer totalement. C’est ça, Samira, c’est la main lumineuse qui la retient et la tire vers le haut quand elle est comme ça, en équilibre au bord du gouffre et qu’elle menace d’y chuter. Ester n’est qu’une putain de funambule qui oscille entre deux mondes opposés et différents.

La main se lève, le poing se forme, hésite, retombe. Sa main choit le long de son corps, alors qu’aussi soudain que violent, le sanglot silencieux la secoue toute entière. De quel droit, ose-t-elle enfoncer Samira dans ce qu’elle a de plus vulnérables pour l’instant d’après supplier pour son pardon ? Comment peut-elle penser l’aimer quand elle se montre aussi perverse et cruelle ? Alors, plutôt que de taper à la porte de la chambre et de céder au rituel, elle laisse son dos glisser contre le mur, juste à côté de la porte, mais elle n’y rentrer pas. Ses genoux remontent contre sa poitrine, elle rentre elle-même, se fait la plus petite possible et profite, ici, de loin de Samira. Elle l’imagine endormie –Ester sait que Samira ne dort pas, qu’elle aura attendu d’entendre le bruit du moteur de sa moto pour enfin apaiser son esprit et peut-être s’autoriser le repos. C’est une belle fable qu’Ester se raconte pour soigner ses tourments et sa culpabilité. Au bout de ce qui lui semble être une éternité – son esprit est si épuisé qu’elle ne juge plus du temps qui s’écoule – elle se relève misérable et redescend les escaliers.

La cuisine est vide, les nippers l’ont fuit en laissant derrière eux leur bordel – comme d’habitude. Les gestes sont mécaniques, quand Ester attrape les cadavres de bouteilles et les cendriers pleins pour les vider. D’ordinaire, c’est Samira qui s’acharne à toute ranger et tout garder propre, mais la serbe sait aussi à quel point Sam déteste retrouver les lieux sans dessus-dessous. Et, éteinte par les effets des médicaments avalés en surdose, par la fatigue, par le reste, elle ne remarque jamais la silhouette de Louis qui se découpe dans l’encadrement de la porte et qui l’observe en silence, puis tourne les talons et monte les escaliers. Lui, il n’hésite pas, et frappe deux coups secs sur la porte de bois de la chambre de Samira. « Elle est revenue », il dit avant de tourner les talons. Il sait qu’elle l’a entendu.
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Samira Foxx
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MessageSujet: Re: Pour vivre heureux, vivons (sam)   Pour vivre heureux, vivons (sam) EmptySam 27 Fév - 23:38

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Ester Jankovic
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MessageSujet: Re: Pour vivre heureux, vivons (sam)   Pour vivre heureux, vivons (sam) EmptyDim 28 Fév - 0:26

C’est quand les oiseaux commencent à gazouiller sur le petit matin qu’Ester s’autorise enfin un regard vers l’extérieur. Le jour commence à peine à se lever, et le ciel a cette couleur d’entre-deux, où ce n’est plus tout à fait la nuit mais pas encore totalement le jour. Elle est restée là, prostrée sur sa chaise, à tenter de trouver le courage de remonter, de frapper à la porte de la chambre de Samira et de lui demander pardon. Pardon de ne pas avoir tenu sa promesse. Pardon de fuir. Pardon de la blesser. Pardon d’être si lâche. Pardon d’être si décevante. Pardon de ne jamais être à la hauteur. En silence, les mots se forment et elle s’imagine bien les déclamer à Samira, elle s’y voit. Et elle reste incapable de se lever pour autant. Et le temps s’écoule, les minutes, puis les heures, jusqu’à ce que la nuit se passe et que le matin survienne. Aussi soudainement que la peur et la colère se sont logées en elle, la fatigue et la lassitude les ont peu à peu remplacées tandis que son esprit épuisé de lutter déposait enfin les armes. Le regard dans le vide, Ester ne pense plus à rien : elle est éteinte. Son attention se focalise sur des détails insignifiants et s’y perd : le silence qui règne dans la maison, le bruit des aiguilles de la pendule, les merles qui chantent dehors, le bruit du frigidaire, les craquements du bois de la maison. Et, comme à chaque fois, c’est la culpabilité qui prend peu à peu toute la place. Mais, il n’a jamais été aussi ardu de mettre de côté son orgueil pour quémander le pardon de sa bien-aimée. La vérité, c’est qu’Ester se dégoute elle-même. C’est toujours la même chose, et si à chaque fois, elle promet avec toujours plus de sincérité que c’est la dernière fois, chaque fois que ses humeurs la contrôlent plus qu’elle ne le voudrait, c’est Samira qui subit la tempête. La serbe se persuade alors qu’elle ne mérite pas Sam, sa gentillesse, sa sollicitude, son inquiétude, sa générosité. Son pardon. Toutes ces choses qu’elle aime profondément chez elle et qu’Ester finit par détester bien malgré elle.

Il lui faut encore quelques longues minutes, avant que, finalement, elle ne se lève et monte les marches. Au-delà de l’épuisement, il lui semble qu’elle flotte dans une réalité étrange et parallèle, que les secondes s’écoulent à la fois terriblement lentement et rapidement dans le même temps. Elle doit bien avoir levé sa main pour frapper éventuellement quelques coups sur la porte, puis tourner la poignée mais son esprit n’en garde aucun souvenir ; quand sa conscience reprend ses droits, la serbe réalise qu’elle est plantée devant Samira. Les belles phrases qu’elle a imaginées toute la nuit dansent sur le bout de sa langue, mais quand elle ouvre la bouche… « La nuit, je rêve. Toutes les nuits. Je suis là-bas, j’entends ta voix. Il fait tout noir, et j’entends ta voix. C’est toi qui nous explique, et tu parles rapidement, tu pleures et on comprend rien. Dans mon rêve, c’est moi qui te dit de te calmer et de respirer à fond, mais je sais plus si c’est vraiment comme ça que ça s’est passé. Ca t’prends du temps pour te calmer, mais t’arrives à nous sortir de là, et à nous guider. Et c’est atroce, parce qu’on est obligé de te faire confiance, on sait rien, on voit rien. On est obligé d’écouter ta voix, et d’oublier qu’on sait pas où on est, qu’on a flingue à la main et qu’on sait pas combien de munitions on a, qu’on sait pas où on va, qu’on sait pas pourquoi on est là. Et y’a les hurlements, plus loin dans le bâtiment, et on sait toujours pas. C’est super confus, et il y a du sang partout. L’instant d’après, mon chandail est en boule sur le ventre de Saul, et tu pleures, et je tremble, et le tissus se tâche de rouge, et lui il devient de plus en plus blanc, et je peux rien faire. Je sais le faire, mais je ne peux rien faire de plus, parce que j’ai rien à disposition. Parfois, je suis dans le désert, et je sens le souffle chaud du vent tout autour de moi. La chaleur est écrasante, tellement oppressante que j’arrive pas à respirer. Et sous la tente, c’est pire encore, mais je peux pas me plaindre, parce que devant moi, j’ai un gars et je dois lui couper la jambe. On a plus de matos, on est isolé à cause d’une tempête de sable, et il se vide de son sang, y’a tellement de sang partout qu’on sait pas d’où ça vient, et il hurle parce qu’on a rien pour l’endormir. Et j’ai pas le droit de trembler parce que je dois lui couper la jambe, et j’y arrive pas parce que je suffoque et que j’ai les mains poisseuses. Et entre deux cris d’agonie, je comprends qu’il demande qu’on lui dire une balle. Je sais qu’on peut pas le sauver. Et il le sait aussi. Et il sait qu’on peut pas se permettre de gaspiller nos maigres ressources pour un cas désespéré. On le sait tous. Alors, j’attrape un flingue, et je lui demande pardon, et je lui tire une balle dans le front. Il souffre pas, il souffre plus, ça pue le sang, la poudre, la crasse, et la sueur. Toutes les nuits, je rêve, et toutes les nuits, c’est de pire en pire. J’ai peur, et je sais même pas de quoi. Ca me rend folle, j’te jure, ça me rend folle, et je déteste ça, pas comprendre, pas savoir. Et des fois, je vois des choses, même quand je dors pas. Je sais pas ce que c’est vraiment, c’est des flashs trop brefs pour que je vois vraiment, mais c’est terrifiant. Ca ravive la peur, et comme je sais pas de quoi j’ai peur, ça rallume la colère. Quand je suis sur l’autoroute, et que je prends un virage trop serré, j’ai peur, je pourrais ne pas m’en sortir, mais au moins, je sais de quoi j’ai peur. Et quand je reviens, je suis en vie. Et pendant quelques minutes, c’est moi qui décidais d’avoir peur ou ne de pas avoir peur. Tu voulais savoir, Sam, c’est ça. C’est comme ça. Et ça me rend tellement dingue que je pourrais te faire du mal, et ça me rend dingue de savoir que j’en suis capable. T’es la lumière, Samira, t’es la voix dans le noir, et moi… Je peux pas supporter que tu saches. T’es précieuse, Sam. Et ce qui est précieux, on le protège. J’te protège de moi, et j’suis désolée si c’est pire à chaque fois. »

Ce ne sont pas vraiment des excuses. D’ailleurs, Ester ne sait pas vraiment ce que c’est, tout ça, ce déballage. Ca n’apporte aucun apaisement, aucun réconfort. Ca n’apporte rien, sauf peut-être quelques réponses pour Samira. Mais ça n’explique jamais rien, et ça n’excuse encore moins.
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Samira Foxx
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MessageSujet: Re: Pour vivre heureux, vivons (sam)   Pour vivre heureux, vivons (sam) EmptyDim 28 Fév - 16:23

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Ester Jankovic
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MessageSujet: Re: Pour vivre heureux, vivons (sam)   Pour vivre heureux, vivons (sam) EmptyDim 28 Fév - 22:31

Le sang lui bat violemment et douloureusement dans les tempes, le souffle lui manque atrocement. Toujours plantée debout Samira, elle l’observe se lever, et elle l’écoute s’enflammer. Et ça suffit pour l’achever et porter le coup de grâce. Cette fois-ci, ça y est, il n’y a plus rien à sauver. Pour elle, pour elles, c’est mort, se persuade-t-elle. « Alors on fait comment, Ester ? » Sa gorge se noue et elle ne répond rien. Elle a la bouche trop sèche pour arriver à parler, et tout ce qu’elle voudrait dire n’a plus de sens, maintenant. Et elle est épuisée, Ester, elle est fatiguée de lutter en vain et lassée de se battre chaque fois pour quoi, au juste ? Pour l’attention, l’amour qu’elle ne mérite pas, pour la place qu’elle n’a jamais vraiment eu dans cette maison. Alors, elle reste plantée un instant là, devant Sam, et elle l’observe en silence. Ses yeux la détaillent et la dévorent, mais elle n’initie aucun mouvement. Une chape de brume se dépose dans son esprit, et l’anesthésie prudemment pour lui éviter la déchirante douleur de la séparation. Car, c’est ce dont il s’agit, n’est-ce pas ? Puis, doucement, le coin de ses lèvres remonte pour offrir un pauvre sourire à Samira. « On ne fait rien. » Ca la tue pour moitié de prononcer ces quelques mots, mais Ester est convaincue à cet instant que c’est la seule chose qui convient de faire. Baisser les armes, et accepter, finalement. Sa main se lève vers le visage de Samira, qu’elle effleure du bout des doigts. Son pouce efface les traces des larmes tandis qu’elle se gorge une dernière fois de la sensation de la peau de Samira contre ses doigts. Ca ne rend hommage en rien à Sam, bien sûr, ce fragment d’intimité chapardé. C’est la sensation des lèvres qui se cherchent et se trouvent dont elle rêve, et l’odeur de Samira qu’elle imagine, et son corps pressé contre le sien qu’elle veut. La serbe a cent mots encore à lui dire, cent déclarations à lui faire, mais elle garde le silence. Il lui semble que leur face à face muet dure encore des heures quand c’est seulement quelques minutes qui s’écoulent. Ester peut bien retourner la situation dans tous les sens, elle ne trouve aucune solution facile. Puisque ni les excuses, ni la vérité, ni le silence ne conviennent à Sam, que peut-être lui offrir d’autre pour qu’elle comprenne ?  Ester voudrait qu’elle sache qu’elle essaie, et que bien souvent, avant d’arriver à ces points de non-retour, elle prend sur elle des jours durant. Ester voudrait que Samira sache à quel point il est chaque fois plus difficile de contrôler ses accès de colère, et que c’est pour ça qu’elle fuit sans jamais rien dire. Parce qu’elle tente de tenir sa promesse, de l’aimer mieux, et de prendre soin d’elle. Ester n’a pas oublié ces quelques mots qui ont scellés un serment auquel elle s’accroche comme à une bouée.

Elle tourne le dos à Samira, quitte la chambre dont elle referme doucement la porte, et enfin, elle s’autorise à pleurer.

Impossible d’anticiper la douleur qui la submerge à cet instant. Ca lui brûle la poitrine et ça lui retourne les tripes, ça pourrait l’engloutir toute entière. On vient de lui arracher une partie d’elle-même. Le désespoir prend sa source comme la colère, au fin fond de son ventre, et grimpent le long de ses poumons, s'agrippent à  ses tripes, s'attardent dans sa gorge pour la dévaster. La fatigue extrême de son corps et de son âme atténuent pourtant sa perception de la réalité. Ester ne réalise pas tout à fait la portée de cette conversation avortée, elle sait juste qu’elle ne souhaite plus se trouver dans cette maison et qu’elle ne veut pas partir non plus. Elle ne se souvient pas avoir descendu les escaliers ni traversé le salon pour se retrouver dans son débarras. Elle se contente juste de fixer le sac de voyage béant posé sur le lit et qu’elle remplit de ses rares effets avec des gestes fébriles. La plainte rauque qui monte de sa gorge lui fait un drôle d’effet quand elle parvient à ses oreilles et qu’elle comprend que c’est elle qui pleure. Elle ne veut pas partir. Personne ne lui a jamais demandé, bien sûr. Mais son esprit embrouillé, lui, lui répète sans cesse que c’est mieux. Mieux pour Saul, mieux pour Sam. Et si elle ne veut vraiment que leur bonheur comme elle le répète souvent, il faut qu’elle les laisse avancer. Mais elle part, Ester va crever, c’est une certitude inébranlable.

Les affaires qu’elle tient dans ses mains tombent au sol quand elle les lâche, et bientôt, elle ouvre à nouveau la porte de la chambre de Samira, sans aucune considération pour celle qui se trouve devant elle. « Tu peux pas, rage-t-elle, me demander de t’expliquer et me jeter quand ça ne te convient pas. C'est toujours là pour toi aussi. J'te dis rien quand tu vérifies chaque putain de tiroir de cette maison. Je suis sincèrement désolée, Samira. Mais je fais de mon mieux. T’as pas le droit de prétendre être précieuse pour Saul, et pas pour moi. Ou alors, j’ai définitivement plus rien à foutre ici. Si c’est ça, dis-le, je veux te l’entendre dire. »
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Samira Foxx
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MessageSujet: Re: Pour vivre heureux, vivons (sam)   Pour vivre heureux, vivons (sam) EmptyJeu 3 Mar - 14:47

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Ester Jankovic
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MessageSujet: Re: Pour vivre heureux, vivons (sam)   Pour vivre heureux, vivons (sam) EmptyJeu 3 Mar - 22:09

« J'te présente mes excuses, Ester. S'il te plaît, accepte-les. » Ester plante ses yeux bleus dans ceux de Samira et garde le silence. Elle observe Samira lui attraper la main, et s’agenouiller pour la supplier. Et la colère se loge encore en elle, pulse dans ses veines à chaque battements de cœur. La mâchoire crispée, la jeune femme ferme un instant les yeux et se concentre sur sa respiration pour la rendre la plus régulière possible. Ca ne dure qu’un instant, mais ça lui permet de libérer la tension logée dans chacun de ses muscles. Un soupir résigné soulève et affaisse sa poitrine ; et elle capitule et s’abaisse à son tour. Avec des gestes lents et doux, elle se libère de la puissante étreinte de Samira et du bout des doigts, elle retrace les contours de son visage. « C’est pas moi qui doit accepter des excuses, elle dit doucement d’une voix égale. C’est toi, qui dois accepter les miennes. Il faut… il faut qu’on arrête de s’écharper comme ça, et de se dire qu’on se pardonne quand c’est pas vrai. On doit pas oublier, on doit pas faire comme si rien c’était passé. C’est pas possible, parce que ça nous tue petit à petit. Et un jour, on pourra pas s’en remettre. Et moi, je sais une chose, Sam. Tu peux dire ce que tu veux, et le nier, et hurler le contraire. Pour moi, t’es une lumière. Mais, d’accord. J’arrêterais de te le dire, si c’est ce que tu veux. » Ester marque une pause et contemple Samira en silence. Elle est belle, Samira. Ester aime tout, chez elle, quoi qu’elle puisse penser ou gueuler quand elle déraisonne complètement. C’est Ester, le monstre, quand elle profite des plus belles qualités de Samira pour en faire ses plus grandes failles, et que certaine de ses pleins pouvoirs, elle s’applique à la démolir un peu plus. Comment peuvent-elles s’en remettre ? Timides, ses phalanges vont chercher les côtes et attirent le corps de Sam tout entier contre le sien pour mieux l’enlacer. Le souffle de Sam contre sa peau, la chaleur de son corps contre le sien, la sensation de sa peau contre la sienne lui rappellent combien elle aime la jeune femme, et les promesses qu’elle doit tenir : celles qu’elle lui a faites et qu’elle rompt à chaque fois, celles implicites qu’elle a faites à Saul. « Je sais pas comment te dire ça, elle reprend prudemment, toujours collé contre elle. C’est pas moi, quand je suis comme ça. C’est pas vraiment moi. Je pars, parce que je sais comme ça va finir, et le plus souvent, ça fonctionne, tu sais… et des fois, c’est tellement... C’est pas moi. Et j’ai pas les mots pour te dire, encore, comme je suis désolée. Je sais pas ce qu’on fait, Sam. J’ai pas de réponses. Mais j’essaie. Crois-moi, j’essaie vraiment. C’est comme si une partie de moi se bat contre une autre, et qu’à chaque défaite, l’autre devient plus forte et plus difficile à combattre. J’ai qu’une certitude, Sam, j’ai plus qu’une certitude : je vous aime. Je t’aime. Et ça me tue de savoir que je t’aime mal. Je voudrais… je voudrais que tout soit plus simple. Je voudrais que ce soit facile, agréable. Ca n’excuse rien. Tu as raison de m’en vouloir, et de me détester. Mais Sam –elle se détache d’elle pour planter ses yeux dans les siens, tout à fait sérieuse – ne te méprise pas. Et ne me laisse plus jamais profiter de quoi que ce soit, quand je ne le mérite pas. » Il y a comme une sale impression de déjà vu, quand elles se font face à ramasser les lambeaux d’elles, de leur relation, et qu’elles cherchent à nouveau un moyen de s’aimer, de se pardonner, de s’accepter. Sauf qu’Ester ne se sent plus légitime de rien. C’est à Sam de décider, maintenant. « Je te demande sincèrement pardon, et pardonne moi quand tu pourras. Je te promets plus que ça n’arrivera plus, parce que c’est le pire des mensonges. Je te promets de te parler, par contre. Avant, avant que ce soit pire. Je pense… je pense qu’on peut essayer ça. Si tu es prête à l'entendre... » Sa dernière phrase se fait plus réservée : elle sait que Samira n'aime pas qu'on lui parle de cette nuit-là, et des autres qu'Ester aura à lui raconter, et bien pour ça qu'elle ne dit jamais rien.
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