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 these walls. (saul)

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Samira Foxx
Samira Foxx
kill of the night


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MessageSujet: these walls. (saul)   these walls. (saul) EmptyJeu 24 Sep - 0:40

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Saul Weiss
Saul Weiss
kill of the night


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MessageSujet: Re: these walls. (saul)   these walls. (saul) EmptyMar 6 Oct - 10:25

La bouche livre un soupir exaspéré. Deux fois, la tranche de la porte rebondit sur la console – ces espèces de tables qui n'en sont pas, qui encombrent, et qu'on déplace pour peu d'efforts, peu importe sa carrure. C'est ce qui contrarie Saul, ça et la douleur qui le lance dans le bout des doigts depuis que le bois lui est revenu un peu trop sèchement dans la paume. « C'est pas sa... » Il va dire que ce n'est pas sa place, que ça n'a rien à foutre là, mais il n'y a qu'une personne alentours qui s'amuse du déplacement des choses, et de la perturbation que cela entraîne. Ce n'est pas aussi vicieux, c'est vrai ; c'est, en tous les cas, moins pervers que la petite douleur, pareille à une aiguille chauffée, qui se répand dans ses phalanges. Machinalement, il touche, index contre le pouce, majeur contre le pouce, annulaire, etc. Ses ongles rongés ne font pas rempart, ils ne conduisent que mieux l'odieuse brûlure vers l'intérieur de la main. Ce n'est pas une souffrance à proprement parler. C'est plutôt un choc, crispant, pointu, des vibrations qui se répandent dans tout le bras, agacent les nerfs les uns après les autres. Il serre le poing en s'exerçant au calme, alors que les yeux, demeurés frénétiques, scrutent toute la pièce à la recherche d'un coupable. Il engueulerait Dieu le Père si on ne satisfaisait pas à sa demande de victime... Un nipper, qui ne fait qu'apparaître dans l'embrasure de la porte d'en face pour autant qu'il traverse le couloir, accroche son regard avec une certitude bienvenue : ce n'est pas sur lui que Saul passera ses nerfs, et ils le savent très bien.

Il n'aurait pas dû laisser faire. C'est arrivé doucement. Chaque fois qu'il consulte l'image restée dans sa mémoire, c'est le jeu des cent différences. Les Weiss ne touchaient presque rien. On déplaçait, peut-être, les cadavres de bouteille servant de cendriers, et la paperasse en provenance de la banque, cette exigeante et putassière propriétaire... mais les cadres, eux, prenaient gentiment la poussière, les babioles et les meubles avec. Et les bouquins, surtout. Saul n'a jamais su d'où venaient ces livres qu'il n'a jamais lus. Que personne n'a jamais lu. Ils ne servent qu'à dire les années, toutes les années depuis lesquelles ils reposent là, dans la quiétude, intacts, abandonnés. Cette maison est un temple dédié à l'ignorance, et il ne retrouve pas l'âme laissée là par des parents indignes. Il s'en fout. Il s'en fout. Il sait bien qu'il s'en fout. Alors, pourquoi, qu'on lui dise pourquoi, ça le met autant en colère ?
« Putain, Sam. » Saul se fige sur le seuil. Il entend nettement que son ton est trop dur, trop rigide - autoritaire. Il est incapable de retenir la vague qui monte à ses lèvres. Il faut dire, pour sa défense, que le bordel est au-delà du mot lui-même... Le bordel, c'est un fatras de choses qu'on accumule sans ordre, qu'on ne range pas, qu'on laisse stagner comme les déchets à la surface de l'eau. Ça, ce qu'il contemple, ce qui se dégueule d'à peu près tous les coins, c'est sa propre vie en bordel. Saul Weiss ignore ce qu'est une métaphore, alors qu'il en est une qui persiste sous son regard blessé : toute son existence misérable soulevée par le même chaos, et rejeté de partout, sans égard. Sa vie, comme un tas de merde. Sa vie, en lambeaux, qu'on écarte pour nettoyer – pour feindre d'effacer ce que des années ont marqué. « Pourquoi tu dois toujours foutre le bordel dans ma maison ? » Sam crache à la gueule de son souvenir. Sam crache à la gueule de ses sentiments. Elle n'en a rien à faire, de ce qu'il pense, de ce qu'il ressent, de ce qu'il doit retenir, pareil aux mains qui n'ont aucune chance, même infime, de conserver le sang dans les plaies. Il demande rien qu'un truc qu'il soit capable de reconnaître, qui lui demeure. Samira est incapable de respecter ça... « Rends-le moi, il fait, froidement, en attrapant une photo qu'elle ne tient même pas. » Il lui semble qu'elle le vole, qu'elle piétine. Il lui semble qu'il a assez donné, et enduré. Il lui semble qu'il est temps de se reposer.
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Samira Foxx
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MessageSujet: Re: these walls. (saul)   these walls. (saul) EmptyMar 6 Oct - 23:58

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Saul Weiss
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MessageSujet: Re: these walls. (saul)   these walls. (saul) EmptyVen 9 Oct - 22:38

Elle ressemble à un petit animal, un animal chétif et vulnérable. Regardez-la, un oiseau plombé à l'envol. Elle se cache en elle-même, elle gratte des recoins plus obscurs, comme s'ils pouvaient la cacher de lui. Un chien n'adresse pas de regards plus craintifs à son maître que les yeux froissés de Samira ne supplient ceux de Saul. Il est si plein de bile, de fatigue,qu'il l'ignore d'un sifflement rageur, qu'il est prêt à gueuler après la comédie qu'elle fait à la moindre remarque qu'elle supporte. Il n'est libre d'aucun mot, parce qu'elle ne peut les entendre. Il ne faut rien dire, ne rien faire, ne rien montrer. Il faut être un masque, perpétuel, un personnage, un costume... il faut mentir. Dans ses intérieurs confinés, Saul exagère, comme le font tous les êtres doués au jeu de la colère, cependant qu'il ajoute constamment à la violence de ses reproches. Ce qui le sauve encore, c'est de se taire, de figer son regard dans celui de son autre, et de presser ses lèvres, encore et encore, de ne rien souffler, de tout souffrir. Il caresse la surface vitrée, sans aucune attention pour son contenu. Cette photographie n'a aucune valeur car, quoi qu'elle décrive, quoi qu'elle expose, elle n'est que le pâle ersatz d'un passé qu'il déteste, une vie tiède, populeuse, ouvrière... une vie pour laquelle il nourrit tout le mépris dont est capable un garçon tandis que l'homme s'attache encore, quelques fois, quand la faiblesse frappe à ses portes. Rien dans tout ce taudis n'a d'importance. Un résidu amassé par le temps. Toute sa substance. Tout ce qu'il reste de son être, ce qu'il restait d'avant.

Le vase se brise. On dirait qu'il fait exprès de le faire à grand bruit, rajoutant au spectacle. Saul se crispe, toute sa conscience soulevée, rappelée à la réalité. « Je vais tout remettre à sa place, elle dit. » « A quelle place ? répond son timbre cassant. » Il balaie la pièce d'un geste de la main aussi vague qu'il est global. Il désigne tout, et rien, à peu près chaque chose qui serait à portée comme ce qui est au-delà. Ce qu'ils ne peuvent pas voir dans la minute existe, néanmoins, à un autre endroit de cette foutue maison : ailleurs, absolument partout, les murs signent, ils saignent, Samira Foxx. « Où est-ce que tu vas les r'mettre ? Tu sais où c'était, ça ? » Il tend la photo quand elle tend la main. Il n'esquive pas. Il se laisse effleurer, flatter par les doigts qui s'excusent. Cet échange est absurde, autant qu'elle est prudente et que lui est brutal. Saul ne ferait la preuve d'aucune violence contre elle, mais la dispute de ses sensations (depuis le rejet jusqu'à la lassitude) préside à son attitude. Il ne recule pas d'un pas dans le procès qu'il lui fait – elle peut prendre tous les tons qu'elle souhaite, tâcher de le calmer à force de ces caresses que les femmes ont si volontiers pour les hommes, il ne répond pas de sa tendresse habituelle. Il ne veut rien entendre. Il ne veut parler. Et, moins encore que tout le reste, il ne veut pas de ce regard humide qu'elle fait – ce serait si facile, de fouler son existence au pied, de le réduire à de petites poussières de souvenir dans sa propre maison, et d'en sortir aussi aimée et protégée qu'il a été promis qu'elle le serait toujours. Les sombres humeurs de Saul exigent de la revanche, pendant que les murmures de son amour le contiennent. « Je pensais que ça ne te dérangeait pas. » Il grogne, et c'est lui l'animal, celui qui attendait, le moment opportun, la lâche occasion : « C'est vrai, fait-il avec de sa colère étalée sur la bouche, pourquoi ça me dérangerait que tu retournes toute cette putain de baraque pour en faire un tas de merdes bien à la vue de tout le monde... Tu sais quoi ? » Pendant une fraction de seconde, Saul s'interrompt. Puis, saisi, il s'élance vers la fenêtre qu'il ouvre pareille à la gueule d'un monstre gigantesque. Là, il attrape une pile de bouquins, cale-livres, fringues, babioles, qu'il jette par-dessus le rebord. La moitié est amortie par un coussin d'herbe défraîchie, mais le reste résonne d'un bruit mat sur le bitume d'Harcourt Drive. « Pourquoi ramasser ? » Il hausse les épaules, les iris oscillant entre la douce folie du manque de sommeil et l'ironie âcre des enfants mal-nourris. Un carton rejoint le reste, au dehors. Il lance plus loin, cette fois. « Autant tout foutre à la poubelle... dit-il en flanquant hors de sa vue, hors de cet autel, chose après chose sa vie entière. Je pense que ça me dérangera pas ! » S'il s'arrête ? Il redouble.
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Samira Foxx
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MessageSujet: Re: these walls. (saul)   these walls. (saul) EmptySam 10 Oct - 18:44

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Saul Weiss
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MessageSujet: Re: these walls. (saul)   these walls. (saul) EmptyMar 13 Oct - 10:33

Saul sent la paume impuissante à le retenir, il sent le timbre qui n'y peut rien non plus : « Arrête, elle dit d’une voix noyée par le vacarme du crâne. » « Arrête-moi, refusent et la rejettent les lippes défiantes, insanes. » L’oreille voilée, Saul lui oppose une folie éphémère, une âme inaccessible pour un moment encore. Il est jaloux, de tout ce qu’elle prend, de cette maison, de cet endroit, de lui, et jaloux du peu qu’elle lui laisse. Il est furieux de la futilité de ces objets, du diaphane de ses souvenirs, de la vanité de son existence. Il est vide. Il est froid. Il est si démuni, si fade, et cependant si débordant de dégoût et de rage. Quelques fois, Saul ne sait plus où ranger toutes ses amertumes, où les cacher des autres et de lui-même et quelles formes leur donner. Ça le prend aux mains, à la gorge, au cœur et aux poumons et, alors qu’il n’avait rien vu venir, qu’il ne s’était jamais préparé, il explose, et ses symptômes jaillissent, éclaboussent et maculent, pareils à un poison, à de la peinture, qu’on frotte, qu’on gratte, mais qu'on n’efface jamais. Il sait qu’à chacune de ses chutes, il creuse sa propre tombe avec les ongles, qu’il bouffe la terre avec les dents ; à chaque faiblesse qu’il montre à Samira, il la perd un peu plus et il meurt un peu mieux. Mais il n’y parvient pas, il ne se raisonne pas, il agite constamment ses mains, ses bras, l’ensemble de ses muscles, pour vider cette antre terrible de tout ce qu’il déteste, de tout ce dont la vue l’insupporte sur-le-champ. « Arrête, ordonne la langue. » Elle claque contre le palais, jumelle de la main contre la joue. La gifle est humiliante, elle fissure quelque chose. Saul s’interrompt, il y est obligé, soufflé par la violence, l'inattendue et la contre-nature. Il est à peu de dignité de se mettre à pleurer, à pleurnicher, comme il le faisait toujours lorsqu’il était petit, comme lorsque la sanction tombait sur le côté de sa tête sans qu’il ait rien demandé ou rien commis. Plaintif et soudain retranché, l’air hagard, et les lèvres entrouvertes, le souffle se camoufle au plus profond de sa gorge et il fixe sur Sam d’immenses yeux surpris. Elle lui vole tout, lui reprend chaque objet sur lequel, pourtant, il a un empire. Elle étreint ces choses, elle les protège de lui. Et, tout ce temps, qui le protège ? La main contre le flanc, il a ouvert les doigts. Afin de s'emparer ? de supplier ? de battre, peut-être ? Elle s'agenouille, elle met les doigts dans ce désordre, effleure les choses avec un soin incroyablement maternel – c'est certainement l'affection la plus maternelle qu'il ait d'ailleurs jamais vue. Comment est-il possible qu'elle soit si attachée à des détails qu'il a tant négligés ? Il ignore s'il a déjà tout manqué, ou si c'est elle, la folle, l'inatteignable. A leur façon, ils sont tous, tous les trois, complètement tarés. « Dis-le si t'en as marre, Saul. » « Quoi ? » Le juif secoue le crâne, allant pour s'agiter l'esprit. Il se souvient qu'il était énervé, puis battu, et finalement abasourdi... Contre quoi était-il si en colère, déjà ? Il a tant de motifs de l'être, tant de raisons. Ils sont un ensemble de prétextes, dans lequel il est aisé de faire son choix tant les options sont grandes. « Tu veux que je parte de ta maison ? est-elle en train de dire. » Quoi ? Non ! « Allez ! C'est facile. » Cette fille a l'air d'une gosse à qui l'on confisque son jouet préféré... et Saul serait son bourreau. Mais il est en dehors. La moitié du temps, il est en dehors de son propre corps, happé dans un lieu plus obscur, dans des songes plus funestes. Et lorsque ces drôles de rêves s'accaparent un peu de sa réalité, alors il se réveille, alerte, l'âme affolée, les mains aux armes : « Bien sûr que non ! » Il gueule plus qu'il n'est nécessaire. C'est absurde, et un peu hystérique, c'est, ça aussi, tout en dehors du monde. « Arrête de dire des conneries, Saul soupire en la rejoignant. » Il s'agenouille, ou plutôt tombe-t-il des genoux aux genoux. « Tais-toi, il fait en écartant tous les tissus qu'elle tient. Tais-toi, il dit en allongeant sa tête endolorie contre elle. Tu vas nulle part, et tu peux tout garder. »
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Samira Foxx
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MessageSujet: Re: these walls. (saul)   these walls. (saul) EmptyMar 13 Oct - 19:45

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Saul Weiss
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MessageSujet: Re: these walls. (saul)   these walls. (saul) EmptyMer 14 Oct - 14:51

La fatigue l'exténue. Tu la sens peser sur tes épaules, Saul Weiss ? Tu sens qu'elle te rentre par la bouche et qu'elle s'écoule dans le reste de ton corps ? T'es épuisé, Saul... c'est bientôt la fin, repose-toi. Il se réfugie un peu plus contre Sam. Il fait semblant de ne pas voir ce qu'il fait, ce qu'il est, l'oscillation de ses humeurs, la fureur de ses changements. Il ferme les yeux, rien qu'un moment, pour apprécier d'être un enfant, de ne rien pouvoir ne rien ressentir. Il plisse mieux les paupières, il s'en fait mal, il prie pour que Sam ne dise rien, pour qu'elle oublie, pour qu'elle soit belle, innocente et stupide. « Tu le penses vraiment ? le fait-elle se relever. » Il sent une légion de ses muscles se tendre au timbre. Il siffle en silence, il lève lentement les yeux vers elle. Saul est pour moitié à genoux et pour moitié assis. Il a huit ans, peut-être moins... il n'a pas envie d'en discuter, il n'a pas envie d'affronter les conséquences de ses actes et pensées. Surtout, plus que tout, plus que lui, il craint que la colère ne rejaillisse comme le ressac bâtard de sa nature. « Juste pour pouvoir les balancer par la fenêtre, dit-elle. » Sam a la voix d'un professeur, ou d'un parent extrêmement bienveillant. Elle fait montre de la patience qui ne doit pas heurter le gosse, qui doit lui laisser le loisir d'admettre son erreur, de la reconnaître en bonne intelligence et d'en demander le pardon. Mais Saul déglutit avec peine, il l'observe, il ne dit rien. Il veut de ses mains sur lui, d'une étreinte ; il ne veut pas avoir à s'excuser, il n'en sent pas la culpabilité. Elle recommencera son manège, et il ne devrait pas promettre que ça ne lui fera rien. Il ne parvient pas à comprendre ce que ça fait, et pourquoi ça le fait... mais c'est là, ça a creusé son trou, c'est, chaque fois, oppressant, agaçant et émancipateur. Ce n'est pas elle que Saul reproche, c'est ce qu'elle fait. Il espère qu'en retour elle lui pardonne à lui moins qu'à ce que lui fait.

« T'as pas besoin de ça, elle abandonne en reprenant ses mains. » « Attends, Saul tente – en vain. » Il veut attraper les doigts qui s'échappent. Elle s'est repliée à vue d'oeil, ça crève les yeux, il ne voit que ça, putain. « T'as tellement de choses à devoir gérer, qu'elle s'enfuit. » Elle est demeurée, si près de lui, et, cependant, elle s'évanouit en substance, elle s'étiole, disparaît. S'il tend la main, il ne saisirait que l'absence, qu'un souvenir, qu'une âme fantoche devenue inaccessible. Il faut d'abord qu'il la ramène. Il doit d'aborder accrocher les éclats qu'elle délaisse, il doit souffler sur les braises qui, timides, rougeoient dans la pénombre de la dispute. « J'ai besoin de ça, il murmure contre la fin, il invoque contre la rupture. » Prudent, le geste dégagé, Saul avance les phalanges usées. Les tatouages le maculent, il frôle la peau à l'encre et les lèvres du pouce. Il invite le menton à un peu de fierté, et les yeux à le voir. « J'ai besoin... sa bouche chuchote, et le souffle se suspend. » Il n'oblige pas l'être écorché, cette âme-soeur brûlée au même feu ; il espère qu'elle regarde, il espère qu'elle accepte, qu'elle supporte, qu'il n'a rien égaré. Il a peur, lui aussi. « Tu vois pas que j'ai besoin de toi ? » Les pupilles attentives au moindre mouvement qu'elle ferait, à la plus petite expression qu'elle aurait, il se heurte au silence et à l'immobilisme, il prend un mur, pareil à de l'indifférence, dans le ventre et le cœur. Tout ça tient en quelques secondes, tout ça tient dans son crâne. A chaque instant où elle ne le voit pas, à chaque moment où elle ne lui dit rien, Saul sait combien son existence se vide, s'arrête... et on dit que, passé un certain chronomètre, le cœur ne repart plus. Jamais. « Tu vois pas que je vais crever si tu me regardes pas ? C'est pas ça, dis, avoir besoin ? » Les mots s'écoulent, la langue écorchée par l'angoisse. Saul ne fait pas cas, il ne l'a jamais fait, des sentiments que l'on doit dire ou que l'on ne peut pas. Ce n'est pas un homme, ce n'est pas un insensible, ou un prudent. Son amour est trop rare pour se montrer pudique : il explose un peu plus, il s'expose un peu mieux. « Comment je dois le dire ? il demande. Je te laisserai jamais t'en aller ? tu me manques déjà alors que t'es jamais partie ? je t'aime ?... » Il fait son choix, il se répète : « Je t'aime, Sam. »
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Samira Foxx
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MessageSujet: Re: these walls. (saul)   these walls. (saul) EmptyJeu 15 Oct - 17:38

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Saul Weiss
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MessageSujet: Re: these walls. (saul)   these walls. (saul) EmptyLun 26 Oct - 2:10

Quelques mots les libèrent. Je t’aime, et Sam réintègre le monde. Je t’aime, et Saul est soulagé de son angoisse. C’est stupéfiant tellement c’est perceptible : la seconde d’avant, elle jouait les funambules à la frontière de l'existence et, désormais, son regard accroche celui de Saul comme si rien d’autre ne pouvait exister. Il se sent vrai, réel, vivant ; elle lui donne tout de sa substance, il est à travers ces pupilles qui le fixent, le découpent, le contemplent. Il n'a plus mal. Il n'a plus peur. Toute la colère l'a déserté ; elle s'en est allée, s'étendre, s'éteindre, mourir, peut-être. Il n'interroge pas tant ses états intérieurs. Gentiment stupide, suffisamment idiot, Saul attrape les mains qu'elle lance à l'assaut de son visage. Elle devrait demeurer, là, pour l'éternité, et ne rien dire et de rien demander. Ils devraient se taire, tous les deux, et apprécier, infiniment, de respirer encore, de respirer toujours, ensemble. « Tu voudras aussi le récupérer, plus tard. » Il ne peut pas secouer le crâne : Sam l'embrasse. Il ne se défend pas, il lui rend son baiser. Il ne saurait pas comment le dire, comme lui faire comprendre combien c'est impossible, impensable, suicidaire. Il cherche frénétiquement les mots, les syllabes, puis les lettres... Personne n'est venu lui apprendre et, seul, il n'en a rien appris : il visse les lèvres à défaut de savoir formuler. La bouche de Sam rencontre la sienne, quatre fois, quinze fois, cent fois. Elle s'accroche à ses épaules et Saul lui rend l'assiduité de son étreinte. Il n'écoute pas tout à fait en nichant son visage dans le cou. « Je suis désolé, il murmure tout contre la peau. » D'être perpétuellement en colère. D'avoir cédé. De n'avoir pas pu le cacher, encore. Saul ne départage pas chacun de ses torts cependant qu'il endure ce que ces mots, d'une incroyable simplicité, apaisent en lui.

Il comble l'espace qui survivait entre eux, passe les phalanges abîmées dans le dos prisonnier et presse Samira contre lui. Parce qu'il a une image, fugace et terrifiante, du chaos alentours, il noie le regard plus avant dans la gorge. Son souffle agace l'épiderme d'ambre, qu'il effleure à la bouche : « Je déteste cette maison, c'est tout. Ce n'est pas toi... il murmure si bas qu'elle n'entend pas. » Il perçoit si bien leurs deux souffles mêlés, et la poitrine qui se soulève à chaque inspiration, devenue douce, rendue si régulière. Il mord sa lèvre, Saul. Saul, il attrape la nuque et il plante son regard dans le sien. « Je t'aime plus fort que tu m'aimes, s'étiole l'ombre d'un sourire. Et je devrais faire plus attention, t'as raison. » La joue de Sam repose dans sa paume ; le pouce libre d'exaspérer le coin de la bouche, le menton puis le nez, Saul affirme un rictus doux-amer. « C'est ta maison, maintenant. » Terrorisé à l'idée de la perdre, ou n'est-ce que de la voir s'éloigner, disparaître, il est prêt à abjurer sa haine, sa tristesse et son ire : il est tout près de vendre son âme, de la brader, pour qu'elle acquiesce encore, pour qu'elle sourit encore. Il regrette si fort son emportement, et ces petites choses ridicules, humaines, presque femelles. Il ne dit pas grand-chose, il garde pour lui le peu du dedans qu'il comprend. Samira n'a pas besoin de savoir ce qui l'agite mais, puisqu'il ne peut pas le lui dissimuler cette fois, il semble qu'il n'a qu'à s'excuser, qu'à se répandre en offrandes. Elle lui pardonnera tout, n'est-ce pas ? Elle l'embrassera encore. « A Ester et à toi. Je ferais plus attention. » Entre les omoplates de Sam, Saul serre le poing. Le bout des doigts le démange, ça tire encore un peu. Ce n'est pas une véritable douleur, ça ne l'a jamais été : sa vie est faite de cette contrariété exaspérante qui l'asperge à chaque minute de ses jours. Mais, sur lui, tout repose. Quel repos pour Saul Weiss ? « On devrait ranger, sanctionne-t-il d'une voix neutre. » Il murmure encore, un peu plus haut qu'auparavant. Ils ne peuvent pas rester ainsi, pour l'unique raison irritante que n'importe qui pourrait entrer. A cette résolution, Saul s'empare, un moment couché sur le flanc, du cadre qui gît sur le sol. « Elle n'a qu'à retourner sur le mur, si tu veux. » Il hausse les épaules. Ces murs lui sont inutiles s'ils n'abritent pas cette âme fragile. Ces murs lui sont hostiles s'ils ne la protègent pas, depuis le même bastion et du même ennemi.
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Samira Foxx
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MessageSujet: Re: these walls. (saul)   these walls. (saul) EmptyLun 26 Oct - 20:30

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Saul Weiss
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MessageSujet: Re: these walls. (saul)   these walls. (saul) EmptyJeu 29 Oct - 21:58

Les doigts contre le vitrage crasse, Saul prête un œil distrait à la photographie qu'il était près de jeter. Le cliché raconte la moitié boueuse d'un jardin, vaguement ombragé par une journée ensoleillée d'il y a peut-être une quinzaine d'années. C'est celui qui croupit à bas des fenêtres, de l'autre côté de la maison. Il le sait aussi certainement que c'était avant sa naissance. La preuve : son père a plutôt fière allure, et un certain courage dans la main qui s'empare du goulot de la bouteille. Ça fait sourire intérieurement le fils, qui n'éprouve pas davantage de joie que de contrariété. Son enfance, et cette maison, est à l'image de ce moment figé dans les couleurs ternes d'un appareil ridicule. Ça fait bien de rejoindre tout le reste, et ce temple stupide de quelques murs à la gloire de tous les Weiss passés. « C'est notre maison, il dit machinalement. » Il n'en croit pas un fichu mot. Il déteste cet endroit. C'est de remuer ces objets poussiéreux, délaissés, oubliés, qui convoquent sa haine de la sorte. Il aimerait dire que c'est sa maison, que son nom sur le titre de propriété fait de ce temple à la médiocrité chez lui. Cependant, il pensait sa conclusion : elle est à Sam, puis à Ester. Elles ont le don de la lui rendre supportable.

Samira, en vérité, a le don de rendre infiniment supportable bien des choses. Il suffit d'un sourire, d'une lèvre qui se fendille de l'esquisse d'un rictus, d'un regard, même absent, qui s'excuse, ou d'une poignée de mots, laissés là avec soin, abandonnés ici par négligence. La plupart du temps, il suffit qu'elle existe. Mais c'est Saul, cela... « On pourrait rester là... on pourrait... bloquer la porte... » D'autres fois, elle l'y aide. Elle aide prodigieusement. C'est un peu indécent, cette percée qu'elle opère constamment en lui. Elle le ferait renoncer à la moitié de sa vie, pour des lèvres qu'elle presse ou un timbre qu'elle lui glisse. Lorsque Saul sent si puissamment l'accroche de cette âme à la sienne, il s'imagine, soudain, qu'il pourrait tout. Les gens appellent ça l'amour, faut-il croire. Pour lui, c'est très différent d'un je t'aime. « Reviens, l'a-t-elle convaincu il y a déjà une minute. Tu étais mieux, là, contre moi... » Il se fout de la photographie, et ô combien il se fout de la maison. La porte entrouverte et la fenêtre béante l'effleurent à peine. « Tu me disais que tu m'aimais, elle souffle contre ses lèvres qu'il embrasse aussi prudemment que son cœur palpitant l'y autorise. » « Je croyais que je devais bloquer la porte, il murmure sans humour ni sourire. » De la paume, il dévie le visage de Sam et il l'attire contre lui en même temps qu'il s'en prend à la gorge d'une bouche moins prudente. Ses phalanges tremblent, et il éprouve, soudain, une douce fébrilité. C'est plus facile, bien sûr, ainsi irradié, de ne plus lui en vouloir et, en un sens, de l'aimer. Mais il s'en éloigne à chaque morsure, à chaque baiser. Il serre le poing en attaquant la mâchoire, et grogne léchant lentement la peau d'or. Cette fureur, Saul ne se l'explique pas. En revanche, elle l'effraie. Ce n'est pas une bonne idée, il pense. « Ce n'est pas une bonne idée, il dit. » C'est maintenant, et c'est ici. Il ne veut pas que ce soit maintenant, et que ce soit ici. Pas comme ça, pas quand la colère gratte encore à la porte de sa hargne. Ce qu'il ferait s'il se penchait davantage sur Samira... Assouvir nombre de ses bas instincts entre ces cuisses hospitalières lui caressent le désir, mais ça semble contenter, nourrir, un monstre qu'il ne veut pas offrir à contempler. D'autres fois, quand il est un peu plus calme et qu'il respire une certaine retenue. D'autres fois, quand Ester ne fait pas attention à combien il peut être brutal parce qu'ils le sont ensemble. D'autres fois, et c'est tout. « Je vais ranger, d'accord ? » Ça lui demande beaucoup de retenue, pourtant, de s'arracher à leur étreinte, d'abandonner ces lèvres qui confessent leur envie de lui. Il presse fort les paupières en inspirant à plein poumons. Il se force à admirer le désastre de centaines de petites choses en désordre. « Tu n'as qu'à. Monter dans ta chambre ? Je te rejoindrai plus tard, tu veux ? » Il le déclare comme une proposition. Il en veut un ordre. Et Saul ne la regarde jamais. Il s'affaire simplement. Il s'affaire gentiment.
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Samira Foxx
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MessageSujet: Re: these walls. (saul)   these walls. (saul) EmptyDim 1 Nov - 17:02

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Saul Weiss
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MessageSujet: Re: these walls. (saul)   these walls. (saul) EmptyMar 1 Déc - 20:08

Il se crispe sur les derniers mots avec lesquels elle disparaît. Certain qu'il a tort mais incapable de procéder différemment, il patiente cinq, vingt, trente longues secondes à la recherche du calme. Il écoute patiemment le bruit des pas qui s'éteignent dans les tréfonds de sa maison de papier et de poussière. Saul ferme les yeux, un peu, en inspirant lentement. Dans ce noir absolu, il cherche les baumes susceptibles d'apaiser les plaies ouvertes de sa crainte. Chaque jour, il perd de son contrôle. Chaque jour, il lui semble qu'un monstre affreux grandit dans ses entrailles, nourri par une rage maternelle. Il sait le poison que c'est pour son âme ; c'est simplement difficile d'être ainsi envahi sans pouvoir se défendre. Il pourrait se jeter à la gorge de ses amis. Quelques fois, il le fait. Lorsque ses paupières se soulèvent enfin, il a décidé qu'il était stupide, et faible. Jadis, il n'était pas ainsi. Jadis, c'était il y a encore peu de temps, avant qu'il ne perde la valeur essentielle à son être.

Jadis, et malgré toute sa violence, Saul Weiss était un type bien.

Saul ne fait pas pleurer les filles. Il ne les fait pas s'allonger sur le plancher crasse de leur chambre et espérer son retour. Il leur dit qu'il les aime seulement lorsque cet inédit se produit. Il les protège autant qu'il le leur a promis et, bien sûr, il meurt pour elles, s'il le faut vraiment. Alors il abandonne pour le sol tous les objets qu'il tient dans les mains. Il observe un moment le tas que ces obscurs souvenirs forment à ses pieds ; il les repousse en frappant à leur base. Il est déjà à la porte de Sam.

« Toi, viens. » Contre ses mots, il passe le seuil, contourne le lit. Saul s'agenouille et le bois craque sous son poids. Il attrape la nuque de Sam et plaque ses lèvres contre les siennes. A l'envi, il mordille dans la pulpe de la bouche. Le frisson s'élève dans son être, trop familier du chemin à parcourir. Ça le chatouille dans les tempes et, soudain, il sourit sur la peau. « Je suis tellement stupide, il dit à voix brisée. » Et, plutôt que d'avoir à avouer ses états intérieurs, le rictus, énigmatique, s'éteint dans un autre baiser. La langue va chercher plus profond, elle caresse avec fougue. Il n'existe bientôt plus assez d'oxygène pour parler, ou penser. Saul n'en a pas envie : il a suffisamment d'instinct pour conduire ses mains et assez d'expertise pour emprunter les sentiers de la peau. Alors il soulève Sam et l'attire contre lui. Les cœurs, qui rompent les côtes à leur rythme effrené, palpitent l'un contre l'autre. Saul peut le sentir, et il va aussitôt embrasser leur chaleur. Le nez qui plonge dans la poitrine, il inspire profondément, il hume au plus des parfums qu'elle lui offre. Lunatique, schizophrène, il s'entend rire puis il soupire des excuses dont il n'a rien à faire. Incapable d'expliquer ce sentiment de plénitude, cette absence subite de tension, cette libération puissance d'endorphines trop longtemps contenues, Saul pousse Sam sur son lit. Après quoi il la déshabille du regard pour que ses doigts trouvent le courage de le commencer. Il est empressé mais heureux, et ses mains, rudes et abîmées, n'ont plus peur d'esquinter la jeune femme. Il sait que son confort est fallacieux, qu'il se ment quand il pense que ça pourrait être romantique, et beau, et simple. Cependant bienheureux de se tromper, il grogne de la bouche à la bouche et fait sauter la boucle de sa ceinture. Il aime Samira et c'est tout. Il aime Samira et, quelle que soit la banalité de cet amour pour le commun des gens, le réaliser comme une éclaboussure sur son visage lui procure un bonheur incroyable.
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Samira Foxx
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MessageSujet: Re: these walls. (saul)   these walls. (saul) EmptySam 5 Déc - 19:13

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Saul Weiss
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MessageSujet: Re: these walls. (saul)   these walls. (saul) EmptyMar 8 Déc - 22:52

La manière est jolie. Le refus, lui, est autrement plus brutal. Ça marque l'arrêt dans sa poitrine et l'air, qui s'engouffrait par bouffées fanatiques dans sa gorge, se raréfie soudain. Saul lève un regard voilé vers Sam, celui de l'amant qui ne se connait plus d'autres noms ou d'autres sentiments. Il ne veut pas entendre qu'il a raison. Il aimerait mieux quelques supplications ou des soupirs qui le réclament. C'est un supplice, alors, de demeurer et de partir. Les lèvres de Samira contre les siennes, pour l'instant, n'y font rien – elles ont perdu tout leur pouvoir. Les billes moins confuses, et l'esprit moins avide, Saul voit les mots encore mieux qu'il les entend. C'est comme s'il pouvait lire toutes les nuances de ce qu'elle dit, jusqu'à la plus profonde désolation qu'il croit qu'elle est en train de ressentir. Avec de l'anxiété dans les muscles, il se tend tout entier, il se suspend aux ordres qu'elle lui donne. « Ce n'est pas une bonne idée, répète la voix lointaine. » La déception immense mais pacifiste, Saul n'insiste jamais. Ce n'est pas ce genre d'hommes, qu'importe les éclats familiers qu'il se trouve toujours de commun à cette race. C'est la résolution qu'il y a peu il nourrissait dont elle s'empare à présent, et cela contre lui. Ça ne fait pas vraiment mal. Ça picote, comme un bourdonnement sous la peau du ventre. Le sang de l'artère abdominal bat déjà plus doucement. Il ôte ses mains comme de les trouver envahissantes, et déplacées. La rage, salace et lancinante, décélère et puis meurt.

Il ne va pas partir. Il va rester. Saul se laisse entrainer et, tel un soupir dans le corps, il abandonne sa tempe à l'épaule de Sam. Silencieux, même blessé, il observe les inspirations rassurées de la poitrine. Il se laisse étreindre. Il accepte de ne plus la menacer. L'idée de l'avoir brusquée lui est douloureuse, pareil à un souvenir que l'on ressasse, inlassable, pour qu'il soit plus conforme à ce qui aurait dû être. Néanmoins, le résultat se maintient forcément. Il a le sentiment d'avoir usurpé son droit, son pouvoir... ou plutôt de son privilège. Un moment vagabond, il aimerait effleurer le ventre à demi dénudé de Sam, pour lui promettre qu'il ne lui ferait rien, jamais. Et, cependant, il se persuade que ce serait pire. Il goûte le sang de ses lèvres en y mordant doucement et, là, il love un peu mieux son visage contre la peau ambré, et douce, et sage.

Saul n'a pas toujours été furieux. Il n'a jamais été tranquille. A raison d'un type moyen pour une vie moyenne, il a fait ce qu'il pouvait. C'était pas prévu, l'entrepôt, le sang, Sam. C'était pas prévu qu'il aime. Qu'ils s'aiment.

Le cuir de sa ceinture le dérange. La pudeur lui démange le crâne. Les doigts jouant le hasard, Saul cherche un drap, une couverture, sur lequel tirer. Sa main empoigne le tissu et les recouvre ensemble. Il passe son bras autour de Samira, mais ce n'est pas tant qu'il la serre contre lui qu'il se serre contre elle. Très bien. Elle a eu raison de lui. Il abandonne, il s'abandonne. Il se blottit davantage, comme un gosse, alors qu'on ne lui a encore jamais donné l'occasion ou le loisir d'en être un – pas vraiment. Saul Weiss est un gamin, pour les cinq ou dix minutes, ou même les heures, qui viennent. Il voudrait qu'on lui dise que ça ira. Il voudrait qu'on lui dise que ça passera. Quoi faire. Comment. Et quand. Il aimerait bien – putain, il aimerait bien ! - qu'on lui explique quand c'est devenu si compliqué. De la clavicule, Saul coule son nez jusqu'au cou. Prudemment, il respire à la peau. Plus aucun mot n'échappera à cette bouche. Il veut le silence et l'obscurité. Il espère qu'elle viendra bientôt, à la fenêtre, et qu'elle les entraînera dans le même abîme. Saul inspire davantage. Il ferme les yeux.

Il pense à Sam. Avec distance, il ne pense qu'à Sam. Il ne sent rien, sinon elle.
Il ne voit rien. Il ne voit plus les murs qui les enferment.
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